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Chapitre 2
Une Physique Fondée sur l'Information
Intéressant, contradictoire, paradoxal, un article de
John Archibald Wheeler contient entre autres une affirmation que
nous allons prendre comme point de départ de nos considérations:
"On voit se lever l'aube d'une ère nouvelle, la troisième
de la physique. La première physique était celle
du mouvement, sans explication du mouvement: parabole de Galilée
et ellipse de Kepler, la deuxième physique était
celle de la loi, sans aucune explication de la loi: lois du mouvement
de Newton, électrodynamique de Maxwell, géométrodynamique
d'Einstein, chromodynamique moderne, théorie de l'unification
du champ et théorie des cordes, et la troisième
physique est celle de la physique fondée sur l'information".
Nous sommes d'accord, dans une très grande mesure, avec
ces affirmations. En effet, la physique ne s'est pas posé
le problème d'examiner de quelle manière se constituent
les lois de l'univers, tout comme l'affirme Wheeler. N'est-il
alors pas possible que la troisième physique soit celle
de l'explication de la loi? Wheeler, cependant, envisage l'information
dans le sens de la théorie de l'information de Shannon,
c'est-à-dire l'information structurale basée sur
les bits, tandis que nous, en plus de celle-ci, nous proposons
aussi l'information phénoménologique de la matière
primitive. Nous serons alors capables d'atténuer les paradoxes
constatés par Wheeler, et dont nous reparlerons plus loin.
Ainsi, du point de vue orthophysique, la troisième ère
de la physique va s'appuyer tant sur l'information structurale
et phénoménologique, que sur une matière
profonde dont tout provient.
L'information phénoménologique n'est possible qu'en
présence d'une forme spéciale de la matière
où elle puisse se manifester que nous avons appelée
informatière. L'existence de la conscience mentale
n'est alors qu'une preuve indirecte, mais suffisante, de l'existence
de l'informatière. Comme l'informatière doit être
un principe primaire, il faut bien qu'elle fasse partie de la
matière profonde, sans être la seule forme de la
matière, pour pouvoir expliquer la formation de toutes
les substances et informations, de tout un univers, à partir
de la matière profonde.
Selon Wheeler, le monde est un système "autosynthétisé",
ce qui pourrait signifier autocohérent, mais nous verrons
que ce n'est pas exactement cela. Quatre "clés"
conduisent Wheeler à cette affirmation et, en plus, "le
soupçon que le quantum est le fondement de la physique,
que le monde est un système autosynthétisé".
Voyons maintenant quelles sont les clés trouvées
par Wheeler:
- La première clé est celle du continu, ou mieux,
de l'inexistence du continu: "Il n'y a pas de continu.
La logique mathématique moderne nie l'existence du continu
conventionnel des nombres. La physique ne fait rien d'autre que
de confirmer cela. Aucune voie naturelle n'est offerte pour procéder
autrement que de tout fonder sur des phénomènes
quantiques élémentaires, avec leur caractère
d'information binaire". Bref, le continu physique et, avec
lui, tout le beau mécanisme de la physique ne sont que
mythe, idéalisation. L'existence, ce que nous appelons
réalité, est fondée sur le discret. Mais,
tout de suite après, Wheeler y détecte un paradoxe:
"Difficulté numéro un: Si le monde est basé
sur le discret, pourquoi faut-il que sa description de chaque
jour s'appuie sur le continu?" Pourquoi? Du moment que l'on
affirme que le fondement de la physique est le quantique, alors
il n'y a plus de place pour le continu, mais voici que celui-ci
s'entête à reparaître, pour la bonne raison
qu'il reflète une réalité physique issue
du caractère de la matière profonde. Car le secret
du monde ne se trouve pas au niveau quantique, mais sub-quantique.
Et d'ailleurs, la réalité tout entière, pas
seulement physique, mais aussi mentale, sociale, culturelle et,
en général, la vie, ne peuvent pas s'expliquer seulement
par le discret, par l'atomique ainsi que l'on disait naguère.
Au plan général de la pensée, le matérialisme
atomiste est sans issue, il ne peut expliquer le monde, chose
connue dès le siècle passé et qui reste valable
aujourd'hui encore. La relation entre continu et discret demeure
une question intéressante: de quelle manière se
produit le passage du continu spécifique de la matière
profonde au discret quantique et comment réapparaît
le continu dans la vie de tous les jours, mais aussi dans nombre
de nos théories scientifiques?
Notre propre théorie philosophique est que, du fond d'un
continu spécifique de la matière profonde, non encore
spatial, naît une organisation dont les éléments
deviennent des quanta, y compris des quanta d'espace, lesquels
reflètent mais en même temps dissimulent le continu
primaire. Mais comme, d'autre part, n'importe quel organisme vivant
(l'esprit humain inclus) comprend de façon directe la composition
informatérielle de la matière profonde, on arrive
de nouveau au continu de la matière profonde. Celui-ci
reparaît alors directement dans le comportement d'ensembles
quantiques vivants auxquels il confère le caractère
de corps et ces derniers sont "contraints" de se démarquer
des autres corps et de marquer ainsi le continu macroscopique.
Le continu est plus profond que le discret, mais il
convient de distinguer le continu profond du continu
macroscopique,le second étant une conséquence du premier.
C'esten envisageant le continu profond que pourrait être expliquée
et comprise la contradiction entre le continu macroscopique et
le discret quantique. Entre les deux continus, il existe des différences
d'essence: le macroscopique est spatial (car résultant
de l'intégration de l'espace quantique par le continu profond
des êtres vivants), tandis que le profond est non spatial
mais source physique de tous les quanta d'un univers, y compris
des quanta d'espace. L'organisation du continu profond se réalise
par l'information phénoménologique, dont le rôle
sera étudié plus loin.
- Une autre clé de Wheeler est l'
austérité.
Que signifie l'austérité? Selon Wheeler: "Il
n'existe aucune grande théorie du champ, électrodynamique,
géométrodynamique, chromodynamique, théorie
des cordes, qui ne soit basée sur l'identité mathématique,
le fait trivial, la tautologie logique: la limite d'une limite
est zéro. Dans ce sens, presque tout le mécanisme
de la physique est construit sur presque aucun mécanisme.
Ceci nous invite à croire que la physique tout entière
est construite sur absolument aucun mécanisme, que l'existence
opère sur le principe d'une totale austérité".
L'austérité, remarquons-le, est dans ce cas un autre
mot pour néant: "Si en gravitation et autres théories
du champ nous pouvons dériver tant d'aussi peu, pourquoi
ne compléterions-nous pas le reste du chemin en obtenant
n'importe quoi du néant?".
Et, de fait, il existe un modèle ontologique de l'existence
dépourvu de matière profonde qui soutient que l'univers
provient du néant, les lois de l'univers apparaissant au
moment de sa naissance, cette dernière étant considérée
de nos jours comme un fait physique certain. Mais de quoi
naît cet univers? De quelque chose d'autre? Du néant?
A moins de concevoir autre chose de matériel, telle la
matière profonde, alors, exception faite des solutions
idéalistes et spiritualistes, il ne reste plus rien en
dehors de cela que le néant ou, selon le terme de Wheeler,
l'austérité totale. Mais, en physique, est-ce possible
de voir apparaître quelque chose qui ne vienne pas d'autre
chose?
Plus loin Wheeler considère que les lois qui apparaissent
au moment du big-bang ne proviennent pas d'une planification préexistante
mais d'un hasard aveugle. Néanmoins, il constate qu'il
ne peut être question malgré tout d'une austérité
totale. Quelque chose doit bien offrir asile au hasard aveugle:
"Un principe d'organisation, affirme-t-il, qui n'est pas
lui-même une organisation semble être la seule possibilité".
David Böhm parlait de l'existence, dans le substrat sub-quantique,
d'un ordre implicite gouverné par un ordre extérieur
(extérieur au substrat), et aussi du rôle, dans ce
même substrat, d'événements véritablement
fortuits. On peut dire qu'il existe, chez David Böhm également,
un principe d'organisation qui n'est pas de l'organisation: l'ordre
extérieur qui, par des processus physiques fortuits, engendre
l'ordre d'un univers. Pas question d'austérité totale,
bien que l'ordre extérieur puisse aussi être assez
austère en matière de principes primordiaux.
En orthophysique, de même, la matière profonde est
relativement austère, n'ayant qu'un nombre minimum de principes:
l'informatière, l'orthomatière, le chronos, la tension
primordiale "exister" avec ses composants ''en-soi",
"de-soi", "au-dedans de soi".
Wheeler rappelle alors que les dimensions de l'espace et le temps
doivent être prises en compte par une physique basée
sur l'austérité. Les dimensions de l'espace ne se
réduisent pas aux seules trois dimensions mais elles sont
en fait au nombre de 3 + n dimensions, les n extradimensions se
trouvant dans un espace si petit qu'elles ne sont pas susceptibles
de vérification expérimentale directe. Mais ces
dimensions demandent une continuité, sinon c'est qu'on
est face à une structure en fait sans continuité
et sans caractère dimensionnel. Comme chez Wheeler, l'orthophysique
permet d'admettre la possibilité d'un espace non purement
tridimensionnel, c'est à dire qu'il est fort possible qu'un
espace sous-jacent existe, de dimensions quelconques. Il se pourrait
même que divers univers aient des espaces sous-jacents comportant
un nombre variable de dimensions. Ces espaces devront alors être
engendrés par des informations phénoménologiques
particulières nommées phénomènes informationnels
topologiques. Les espaces naissent du continu de la matière
profonde par quantification. Pourquoi devrions-nous imaginer des
particules se trouvant au sein d'espaces continus quand, dans
notre conception, les particules sont aussi espace, et l'espace
est aussi constitué de quanta spécifiques?
Ceci nous amène à la difficulté numéro
trois (nous étudierons plus loin la deuxième) de
Wheeler: "Comment réconcilier la demande de structure
avec la demande d'austérité totale?". Si, par
austérité, on entend comme nous le faisons les principes
de la matière profonde, et s'ils sont suffisants pour faire
apparaître des structures, alors une réconciliation
entre austérité et structure devient possible: la
matière profonde est austère car elle est gouvernée
par un nombre minimal de principes primaires, et c'est l'information
phénoménologique issue de cette même matière
qui fait apparaître des structures. Ainsi, le recours à
un modèle orthophysique du monde, c'est-à-dire l'acceptation
d'une matière profonde avec des propriétés
informationnelles-phénoménologiques, réduit
l'importance des difficultés mentionnées ci-dessus.
-
Encore une autre clé de Wheeler est celle de l'absence
de temporalité ("timelessness"). Si le continu,
dit-il, est une illusion, le temps est alors un mythe. Le temps
qui perd son sens à des distances très faibles,
de l'ordre de la longueur de Planck, distances qu'on peut donc
évaluer à 1,6*10-33 cm. Conformément
aux théories quantiques l'espace-temps semble ne plus exister
au-dessous de cette valeur, de même que le temps s'arrête,
selon la théorie d'Einstein, dans le big-bang et le collapsus
gravitationnel. Dans ce cas, le concept de temps n'est plus primaire,
mais secondaire, et de là vient la difficulté numéro
quatre: "comment dériver le temps sans supposer le
temps?". Dans le cadre de notre orthophysique, il n'est pas
possible de "dériver" le temps sans supposer
l'existence dans la matière profonde d'un rudiment de temps
que nous appellerons chronos. C'est une sorte de rythme
profond de modification où des événements
ont lieu sans subir ni l'orientation ni la durée caractéristiques
du temps. Cette conception orthophysique correspond assez à
l'opinion de Wheeler lorsqu'il affirme qu'au niveau ultime de
la réalité "il n'existe pas et il ne peut exister
quelque chose de pareil au temps, il faut nous attendre à
un principe plus profond le remplaçant. Des événements,
oui; une continuité d'événements, non".
Dans la réalité ultime, les événements
se produisent dans le chronos, non pas dans le temps, selon un
rythme fondamental, sans durée et sans orientation. En
ce sens, on peut dire que le temps a des racines plus profondes
que l'espace car son squelette est le chronos, tandis que l'espace
est la conséquence d'un phénomène informationnel
topologique dans l'orthomatière. La continuité du
temps usuel, tout comme celle de l'espace macroscopique, est donc
le résultat de l'orientation d'une succession d'événements
se produisant dans un univers, la succession étant réalisée
en durée par un organisme vivant ouvert sur l'informatière.
Ainsi, la durée est attribuée et observée
par les organismes par l'intermédiaire des phénomènes,
elle est une information phénoménologique, par conséquent
le temps dans la version orthophysique se décompose en
chronos (ou rythme cosmique), orientation des événements
(aussi dite "flèche du temps"), et durée.
Le squelette du temps étant le chronos, c'est le rythme
de ce dernier qui, en dernière instance, détermine
des quanta de temps. La continuité du temps est réalisée
par la succession des quanta de temps, de même que la continuité
de l'espace est réalisée par l'enchaînement
des quanta d'espace et des particules élémentaires.
L'espace-temps considéré par la théorie de
la relativité correspond à ces deux continuités,
mais il cesse d'exister dès que nous l'envisageons au-dessous
de la grandeur d'un quantum d'espace, ou d'un quantum de temps,
car, ce faisant, nous pénétrons dans le domaine
sub-quantique de la matière profonde.
-
Voici maintenant la clé de Wheeler que nous étudions
en dernier, celle qu'il appelle clé de la participation
de l'observateur ("observer participancy"). Il s'agit
en fait de deux idées relatives aux phénomènes
quantiques élémentaires:
-
Première idée. Wheeler, s'appuyant
sur le principed'incertitude de Heisenberg, affirme que "la
participationde l'observateur est le trait central du monde ... Une
questionconcernant la position d'un électron ... se trouve en
relationcomplémentaire avec une question concernant son impulsion.
Le dispositif pour mesurer la position et le dispositif pour mesurer
l'impulsion ne peuvent pratiquement pas être installés
de manière à ce qu'ils fonctionnent dans la même
région en même temps. Bien plus, en l'absence de
l'une ou l'autre de ces mesures, nous n'avons même pas le
droit d'attribuer soit position, soit vitesse à
l'électron".En d'autres termes, pour Wheeler, l'impulsion et
la position del'électron n'existent pas indépendamment de
nous.En les mesurant, nous devenons des participants au
phénomèneet c'est pourquoi nous participons aussi
à ce que nousavons droit d'affirmer, par exemple, sur le
passé. Notrerôle, poursuit Wheeler, est peut-être
minuscule denos jours dans l'ensemble des choses, mais, dans des
milliardsd'années, l'explosion de la vie donnera un rôle
décisifà l'observateur participant, notamment celui
"de construire,au cours des temps à venir, ... notre
passé, présentet avenir, c'est-à-dire tout ce
vaste monde". On remarquedonc chez Wheeler un principe
cosmologique anthropiquebasé sur la multitude
d'observateurs participants. S'iln'y avait qu'un seul observateur, on
s'enliserait dans le solipsisme.C'est d'ailleurs le problème que
se pose logiquement Wheelerà la fin de son article:
"Solipsisme? Solipsisme avecle sens que donnent les dictionnaires,
de théorie ou devision envisageant le moi comme la seule
réalité?",à quoi il répond: "Pas
tout à fait ...Il n'existe pas de mot que nous prononcions, de
concept que nousutilisions, de pensée que nous ayons qui ne
proviennentdirectement ou indirectement de notre participation à
unecommunauté plus large. L'esprit humain est dépendant
de cette communauté tout comme l'ordinateur. Un ordinateur
sans programme n'en est pas un. De même l'esprit sans programme
n'en est pas un".
Supposons qu'il ne s'agisse pas d'un seul moi observateur et que,
par conséquent, il n'y ait pas solipsisme. Dans ce cas,
l'observateur est une communauté d'esprits dont, tout autant,
la science est appelée à rendre compte. Si l'observateur
est un trait central du monde quantique, alors il doit également
être expliqué, avec son esprit, et comment il engendre
une culture, une science, une société. En tant que
"palier" du monde, l'observateur se trouve en fait au
niveau macroscopique, placé directement entre le monde
quantique et celui de la matière profonde, en raison de
quoi il devra comprendre le monde quantique en l'envisageant aussi
depuis la matière profonde. Son savoir sera alors plus
proche de la réalité. Que l'observateur puisse intervenir
dans la marche du monde, et même très vigoureusement
dans l'avenir, est un fait qui nous apparaît aussi comme
probable car l'observateur arrivera à mieux connaître
la matière profonde, c'est-à-dire la zone où
se constituent les lois d'un univers et où il pourrait
également exercer son action. Le principe anthropique pourrait
alors acquérir la forme d'une troisième version,
celle de la succession des univers.
-
Seconde idée. Elle concerne le
rôle de l'informationdans le domaine des phénomènes
quantiques. Wheeleraffirme: "Le phénomène quantique
est tout cequ'il y a de plus étrange dans ce monde étrange.
Étrange parce que toute localisation dans l'espace ou le
temps y est absente. Étrange aussi parce qu'il a un caractère
pur: oui-non, un bit de signification. Étrange enfin parce
que, plus que n'importe quel autre phénomène de
toute la physique, il est beaucoup plus profondément marqué
par la théorie l'information. Cette étrangeté
nous amène naturellement à nous interroger non seulement
sur ce qui se trouve à l'arrière et en dessous du
phénomène quantique élémentaire, mais
encore ... sur le rôle qu'il joue dans la construction de
tout ce qui existe" (difficulté 2 de Wheeler). Cette
citation exprime en fait le problème fondamental de frontière
entre la physique et la science contemporaine. Du point de vue
de l'orthophysique, l'affirmation de la non localisation dans
l'espace et le temps du phénomène quantique n'est
que l'illustration du fait que la matière profonde ne se
situe pas dans l'espace et le temps, mais elle est
génératriced'espace et temps.
Une série de recherches théoriques fondamentales
ont essayé de déterminer les bases physiques les
plus élémentaires du calculatoire et par cela même
les limites physiques des opérations sur ordinateur. Mais
toutes n'ont trait qu'à l'alternance entre deux états
notés par 0 et 1, donc à l'information structurale,
notamment à ce qui tient du bit et de l'entropie dans la
théorie de l'information de type Shannon. Cependant, on
doit se demander quel est le lien de cette information structurale
avec la signification qu'elle a dans l'esprit humain et, à
la limite dans certains programmes de l'intelligence artificielle?
Peut-on vraiment parler d'information quand la signification n'est
pas là? En intelligence artificielle, l'information structurale,
organisée en modèle du monde ayant la forme, par
exemple, d'un réseau sémantique, porte la signification.
Mais en dernière instance celle-ci provient d'une signification
intelligible à un humain. La pensée structurale
qui se présente à l'esprit humain redevient une
conscience mentale structurale-phénoménologique.
On pourrait même formuler le principe suivant en ce qui
concerne une science structurale-phénoménologique:
- Principe I
- N'importe quelle information structurale ayant
une signification s'appuie sur une signification phénoménologique
ou vise une signification phénoménologique.
Les significations phénoménologiques ont un sens
dans l'esprit humain, elles sont des phénomènes
informationnels de la matière profonde, prenant naissance
toujours dans la matière profonde mais par et dans le contexte
d'un organisme vivant.
Il est intéressant de voir que Hans Kuhn [Kuhn, 1985],
un initiateur de l'ingénierie moléculaire, envisage
la possibilité de produire, par des processus physiques
strictement structuraux, des dispositifs physiques aptes à
accumuler des connaissances ("knowledge-accumulating physical
systems") mais qu'il précise: "Le système
accumulateur de connaissance est considéré comme
un système physique et, dans le cadre d'un système
physique, le concept de conscience n'a aucune signification: un
système physique est l'objet expérimenté
par le sujet conscient" [Kuhn, 1988]. Pour lui, le système
d'accumulation de connaissances n'ayant pas de conscience (du
type de la conscience humaine), il est un substitut de l'observateur
humain, mais pour celui-ci les difficultés pour le concevoir
sont si grandes que Kuhn déclare à la fin de son
article: "Un observateur artificiel constitué de façon
adéquate, qui utiliserait un système opérationnel
de l'information qui ne fût pas à tout prix basé
sur la physique classique, peut représenter un moyen plus
sûr pour rationaliser les données observées
dans des domaines assez différents". Et, tout de suite
après: "L'intention de l'auteur fut de montrer que
le processus aboutissant à l'origine et à l'évolution
de la vie doit être considéré un phénomène
physique fondamental". Ainsi, la vie fait apparaître
un phénomène physique fondamental nouveau. Mais
la vie n'est pas possible en dehors de l'existence de significations
phénoménologiques qui sont une forme naturelle de
l'information et se produisent dans l'informatière. Cela
étant, la physique doit plonger ses racines dans l'information
phénoménologique et ensuite seulement s'occuper
de l'information structurale. Limiter la physique quantique à
l'étude de la seule information structurale et, de plus,
réduire cette dernière au bit de la théorie
shanonnienne nous semble, par conséquent, totalement insuffisant.
Il va de soi qu'il n'est pas question de nier l'importance de
tous les travaux recherchant les limites physiques des opérations
de structuration d'une information, mais la physique ne peut s'arrêter
à ce niveau dans la création d'une physique basée
sur l'information. Il faut qu'elle s'attaque au substrat sub-quantique,
qu'elle atteigne la matière profonde. La seule voie pour
y accéder est la physique de la vie comprise comme un processus
structural-phénoménologique. La physique ne saurait
plus ignorer la vie en tant que réalité complète,
incluant l'esprit et les processus sociaux, le fait de les considérer
simplement comme observateur n'étant pas suffisant.
Dans la matière profonde, l'information primordiale est
l'information phénoménologique. C'est par elle que,
dans la matière, naît le phénomène
physique structural de l'univers aussi bien que l'information
structurale qui s'y associe. En d'autres termes, l'information
structurale n'est même pas possible sans information phénoménologique.
L'aspect informationnel de la matière et particulièrement
de la forme informationnelle du quantique est une réalité
fondamentale. Ceci nous rapproche de nouveau du point de vue exprimé
par Wheeler, Landauer etc., tout en y ajoutant le principe suivant:
- Principe II
- N'importe quelle information structurale provient
directement ou indirectement de l'information phénoménologique.
Conclusions
Le monde est un circuit fermé "autosynthétisé",
affirme Wheeler. La figure 2, tirée de [Wheeler, 1988],
illustre un tel circuit, mais soulève un assez grand nombre
de problèmes. Wheeler dit: "La vie, l'esprit, la communication
ne comptent donc pas du tout dans le schéma de l'existence?
... il n'y a pas de machine pour produire des univers. La participation
de l'observateur représente la source intégrale
de ce qui est la vie, l'esprit, la communication".
Ces affirmations n'éclaircissent pas particulièrement
le schéma du circuit mais nous font constater que l'autosynthèse
du monde n'a rien à avoir avec l'autocohérence de
la matière, ni même en général avec
celle du monde. L'auteur lui-même remarque deux
"désastres":
-
poser comme postulat le caractère inexplicable de quelque
chose sur quoi on construit tout, ceci contredit un principe central
de la pensée occidentale, à savoir que n'importe
quel mystère peut être dévoilé;
-
poser comme postulat que sous chaque niveau de structure se
cache un autre dans une succession sans fin, ceci est tout aussi
désastreux.
C'est pourquoi il a choisi comme modèle du monde un circuit
fermé qui échappe en effet au second désastre
mais non pas, nous semble-t-il, au premier puisqu'un mystère
demeure tout de même: de quoi provient le circuit autosynthétisé
quand il n'existe "pas de lieu d'où il commence"?
Wheeler est tenté de croire qu'il provient du néant.
Cependant, dans ce circuit, le rôle essentiel revient à
l'observateur participant. Ne faut-il pas alors supposer une source
sous-jacente à ce participant puisqu'il joue un rôle
essentiel? Quelle est cette source?
Fig. 2
Notre modèle orthophysique de l'anneau du monde matériel,
illustré dans la figure 3, contient une source qui participe
à l'enchaînement dans un anneau. Les éléments-clé
de cet anneau sont la matière profonde et l'homme, et aussi
la société, en particulier leur conscience. Seule
la matière profonde peut engendrer le monde quantique et
la vie qui s'appuie sur le monde quantique. C'est encore elle
qui intervient sans cesse dans le processus vital au moyen des
phénomènes informationnels, ainsi que des élaborations
de l'esprit et de la conscience humains. A son tour, la conscience
peut observer et agir sur la vie, le monde macroscopique et même
le monde quantique. Qui plus est, elle pourra exercer son action
aussi sur la matière profonde à partir du moment
ou, semblable modèle se confirmant, elle saura créer
des dispositifs avec certains phénomènes de vie
spécialement créés dans ce but.
Fig. 3
Rien de plus n'est nécessaire en dehors de cet anneau
qui s'autosynthétise soit à partir de la matière
profonde, soit à partir de la conscience en utilisant une
technologie propre à accéder à la matière
profonde. De pareils anneaux peuvent exister en nombre indéfini,
chaque anneau correspondant à un univers. La matière
étant autocohérente, l'homme dans la matière
est, à la fois, observateur, participant, constructeur
et créateur. Matière, information et conscience
vivante, c'est-à-dire esprit, sont inséparables
dans un tel anneau. Sans information, la matière serait
en un total équilibre en soi, ce qui reviendrait à
ce qu'elle ne soit pas. C'est l'information qui la met en mouvement vers l'esprit et
l'esprit atteindra ses sommets quand il saura être la conscience
de la matière même, c'est-à-dire de l'existence.
[Table des matières]
[Préface]
[Chapitre 1]
[Chapitre 2]
[Chapitre 3]
[Chapitre 4]
[Chapitre 5]
[Chapitre 6]
[Chapitre 7]
[Chapitre 8]
[Chapitre 9]
[Chapitre 10]
[Chapitre 11]
[Chapitre 12]
[Chapitre 13]
[Glossaire]
[Références bibliographiques]