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Section 3.1

Principe de l'insuffisance de la connaissance structurale
principe (I)




Compte-tenu de l'expérience de la pensée atomiste de l'Antiquitéà nos jours, une série d'aspects étant mentionnésaussi dans le présent ouvrage, des recherches expérimentales et théoriques dudomaine de la biologie, spécialement de la biologie moléculairede ce siècle, qui se rapporte à la physique quantiquemais ne peut expliquer l'essence de la vie, de l'expérience individuelle de l'activité mentale et de l'impossibilité de l'expliquer par la science d'aujourd'hui (d'où des difficultés pour expliquer la culture, la créativité et même la vie sociale),du fait qu'une série de phénomènes irrationnelset cependant bien constatés se maintiennent hors de lasphère de compréhension de la science laquelle,dans l'absence de modèles structuraux adéquats tendtout simplement à ne pas les reconnaître, une conclusion possible se dégage:

La science structuraleest insuffisante tant pour expliquer le monde que pour agir enprofondeur dans la réalité du monde vivant et dumonde social.

(principe I, a)

La révolution newtonienneet la révolution quantique-relativiste ont crééune science structurale. Si approfondie que soit la connaissancestructurale, il restera toujours quelque chose en dehors d'elle qui ne saurait être expliqué mais qui, néanmoins, fait partie du monde. Et plus on avance dans la connaissance structurale, plus ce fait devient évident, particulièrement en biologie qui est en première ligne des recherches physiques et informationnelles.

Les recherches structurales récentes sur la cellule vivante font ressortir le fait que, dans le cytoplasme de la cellule, il est possible que, dans ce qui s'appelle le cytosquelette de la cellule, un réseau de tubes au diamètre de 20 nm, formés de dimères d'une protéine, la tubuline, constitue un automate utilisant l'information reçue, et forme une sorte de système nerveux propre à la cellule. Évidemment, le neurone contient lui aussi un tel système de tubes et il n'est pas exclu que ceux-ci jouent également un important rôle informationnel. Mais cette opération est structurale et ne peut, à elle seule, expliquer les phénomènes mentaux spécifiques de l'homme. Si ces phénomènes étaient dus, comme le croient de nombreux biologistes, à la connectivité des neurones, alors on pourrait dire qu'ils sont aussi dus à la connectivité des tubes. Cependant, toute propriété à se connecter demeure ce qu'elle est, une propriété de connexion, et ne peut expliquer à elle seule sa transformation en conscience mentale. Celle-ci étant une propriété générale de la substance vivante, elle doit forcément appartenir à la cellule. Mais le contenu informationnel phénoménologique sera différent pour chaque type d'organisme, de la molécule vivante à l'homme.

Ainsi, le fait d'accepter l'existence de la conscience n'est pas possible dans le cadre de la science seulement structurale.

Dès lors, le principe de l'insuffisance de la science structurale a pour corollaire l'affirmation de la nécessité d'étendre (et non de remplacer) cette science au-delà du structural, c'est à dire dans le domaine que nous avons appelé phénoménologique,

la science structuralese transforme ainsi en une science structurale-phénoménologique.

(principe I, b)

Nier que les choses se passent ainsi, c'est admettre soit que le monde n'est pas connaissable, soit que par essence il n'est pas matériel, ou encore qu'il n'est ni l'un, ni l'autre. Vue à travers la connaissance structurale, la vie semble vraiment ne pas être connaissable dans sa totalité parce que l'esprit humain n'a pas à sa disposition les modèles nécessaires auxquels rapporter nombre d'aspects de la réalité. De ce point de vue, des conclusions par trop hâtives risquent d'établir le caractère inconnaissable du monde avant même d'essayer de dépasser le stade de la science structurale. Le jour où ce stade sera dépassé, le pas aura valeur d'un saut révolutionnaire égal à celui constitué jadis par la mécanique newtonienne et, plus près de nous, par la mécanique quantique.

Du principe (I), résulte une conséquence pour le scientifique: la nécessité de modifier son modèle ontologique du monde en acceptant un mode de penser structural-phénoménologique fondé sur l'idée que

dans l'univers, le visibleest structural-phénoménologique.

(principe I,c)

Il s'ensuit qu'après avoir épuisé toutes les possibilités d'explication structurale d'un phénomène, il doit s'orienter vers la recherche du phénoménologique comme étant la plus intéressante direction pour la science future.

Actuellement, la science structurale est certes loin d'avoir épuisé toutes ses possibilités. Néanmoins, on peut se demander d'ores et déjà s'il lui reste à faire d'autres nouvelles grandes découvertes fondamentales. Par exemple, dès 1962, George L. Haller, scrutant l'avenir de la science, avançait trois assertions:

  1. la connaissance de l'univers physique nous fera découvrir, à une vitesse sans cesse croissante, toujours d'autres phénomènes,

  2. toutes les grandes découvertes sont déjà faites, et il ne nous reste plus qu'à compléter les détails,

  3. la connaissance scientifique ralentira son rythme de croissance à cause des limites imposées par le mode de penser actuel. Ce dernier n'est en réalité (selon Haller) qu'un recueil, puis un transfert de l'information, pour finir par une action calculatoire sur l'information.

A propos des discordances existant entre la théorie de la gravitation et la théorie de l'électromagnétisme d'une part, et la mécanique quantique d'autre part, à propos de la discordance entre Physique et Biologie, Haller conclut que la seconde assertion ne peut être valable parce que les discordances ci-dessus peuvent faire apparaître des domaines nouveaux dans les lois de la nature. En effet, une de ces discordances a été résolue par l'unification des forces faibles et des forces électromagnétiques en forces électrofaibles, dans le cadre de la physique structurale. Ainsi, en ne nous référant qu'à la science structurale, il est à supposer que, progressivement, la seconde assertion arrivera à se confirmer, tandis que la première s'avérera valable dans une science structurale-phénoménologique. Quant à la troisième assertion, nous défendons la position que la plus rigoureuse limite imposée à la connaissance scientifique est celle de la pensée structurale, notamment dans les problèmes de frontière de la science; cette limite ne pourra être franchie que dans le contexte d'un modèle structural du monde, alors que la pensée "structurale-phénoménologique" se meut, elle, dans le cadre d'un modèle structural-phénoménologique de la réalité. De sorte qu'en matière calculatoire il faut tenir compte non seulement d'un système opératoire structural, mais aussi d'un système structural-phénoménologique, capable de transgresser les limites du précédent.

Il est intéressant de constater que, dès 1962, Haller (alors vice-président de la General Electric Company) redoutait les limitations mentales provenant de la méthode scientifique pratiquée, plus que celles provenant de la nature de la réalité physique. Aussi a-t-il dit: "L'homme de science de l'an 2012 se rendra compte de ces limitations. Un des domaines les plus importants de son étude sera l'ontologie: la nature de la réalité physique. Un autre sera l'épistémologie: la nature de la connaissance. L'homme de science de l'an 2012 sera un philosophe".

Pourquoi cela ? Ne serait-ce pas pour justement dépasser la vision structurale du monde ?


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